
Photo, de gauche à droite : Julie LERCARI (Intervenante en Prévention des Risques Professionnels à ST Provence), Evelyne RAVEL (Directrice de la crèche Les Bisounours) et Sylvia LEON (Infirmière en Santé au Travail à ST Provence), le 23 avril 2025 à la Crèche Les Bisounours d’Aix-en-Provence.
1. Présentez-vous en quelques mots
Evelyne RAVEL (E.R.) : Je travaille à la crèche « Les Bisounours » depuis son ouverture en 1986. À l’origine, c’était une crèche parentale créée par les travailleurs sociaux du quartier de Jas de Bouffan à Aix-en-Provence. J’ai connu l’évolution de cette structure et sa professionnalisation jusqu’à aujourd’hui. Je suis actuellement directrice de la crèche et j’encadre une équipe de 11 salariés, dont 10 équivalents temps plein. Notre structure accueille 22 enfants de 3 mois à 3 ans.
Sylvia LEON (S.L.) : Je suis infirmière diplômée en santé au travail à ST Provence depuis 2018. Rattachée à l’équipe médicale d’Eguilles, je réalise des entretiens infirmiers. Je participe aussi à des actions en milieu de travail comme des sensibilisations collectives conçues en collaboration avec le médecin du travail. Je suis également membre d’un groupe de travail dédié à la prévention des Troubles Musculo-Squelletique (TMS), un axe fort du projet de service de ST Provence.
Julie LERCARI (J.L.) : Comme Sylvia, je fais également partie du groupe de travail dédié à la prévention des TMS. Pour ma part, je suis Intervenante en Prévention des Risques Professionnels à ST Provence, depuis bientôt 16 ans. Mon rôle est d’accompagner et de conseiller les entreprises, leur dirigeants et les salariés dans toute démarche de prévention des risques professionnels : identification des risques, réalisation de mesures d’ambiance, analyse des postes de travail, sensibilisations du personnel, aide à l’élaboration de programmes de prévention dont le DUERP (Document Unique d’évaluation des Risques Professionnels) qui est une obligation réglementaire.
2. Pouvez-vous nous en dire plus sur le « Défi STOP TMS » ?
S.L. : Il faut savoir que les troubles Musculo-Squelettiques désignent un ensemble de pathologies qui touchent les tissus mous péri-articulaires des membres et de la colonne vertébrale. Ils peuvent générer des douleurs, de la gêne dans les mouvements mais aussi des troubles plus sévères nécessitant un arrêt de travail ou un traitement médical, voire une inaptitude médicale au travail et la reconnaissance d’une invalidité. En France, les TMS représentent près de 87% des maladies professionnelles et leurs conséquences impactent à la fois la santé des salariés mais également la performance de l’entreprise (absentéisme, coût des Accidents du Travail/Maladies Professionnelles…).
J.L. : En effet, c’est pourquoi la prévention des risques TMS est importante. La prévention primaire permet d’agir avant l’apparition des troubles et notre rôle est d’accompagner les entreprises dans la planification d’actions et la mise en place d’une véritable culture de prévention. L’idée de mettre en place ce défi « STOP TMS » auprès de nos plus petites entreprises adhérentes (les plus vulnérables face à ce risque) sur les secteurs d’activités les plus touchés, est venue d’une réflexion collective : « comment accompagner particulièrement ces entreprises et les engager durablement dans cette démarche de prévention ? ». En lançant une sorte de défi sur 3 années, cela permettait un accompagnement sur le long terme avec un réel investissement de l’entreprise dans la mise en place d’une démarche de prévention, tout en limitant les coûts financiers : en participant à ce défi, les entreprises retenues ont bénéficié d’une remise de cotisation sur 3 ans (33% par an dans la limite de la cotisation de 19 salariés). Un coup de pouce non négligeable.
E.R. : Quand nous avons reçu le courrier de ST Provence pour nous informer du Défi STOP TMS, nous avons tout de suite souhaité participer. Nous avions déjà des idées d’aménagements pour faciliter le travail et favoriser le confort de nos équipes et nous répondions aux critères exigés par ST Provence pour ce défi : notre Fiche d’Entreprise était à jour depuis moins de 5 ans et notre DUERP avait tout juste été actualisé. Nous avions aussi un plan d’aménagement au niveau de la buanderie et de la cuisine. La proposition d’accompagnement de ST Provence et la remise de cotisation étaient alléchantes.
3. Madame Ravel, comment avez-vous pris conscience des risques TMS dans la crèche ?
E.R. : C’est une de nos salariées qui nous a mis sur la piste des TMS suite à des soucis de santé qui ont évolué vers une invalidité. Avec le conseil d’administration de la crèche (composé de parents), nous nous sommes interrogés sur la façon dont nous pouvions agir pour soulager un peu les difficultés du métier. Nous avons proposé plusieurs choses dont des aménagements de nos locaux qui permettraient à cette personne de maintenir son activité dans de bonnes conditions et aussi de prévenir les risques présents pour l’ensemble du personnel.
4. Quels sont les autres risques professionnels du secteur de la petite enfance ?
S.L. : Outre le risque TMS, il y a notamment le risque chimique avec la manipulation de produits de nettoyage. Le risque biologique et infectieux n’est également pas à prendre à la légère : les possibles pathologies infantiles peuvent être manuportées ou aéroportées par les adultes et entre les enfants. Les risques de chutes de plain-pied, de glissades sont aussi très présents car les sols sont encombrés (jouets, petits matériels déplacés par les enfants).
J.L. : L’ensemble des risques présents à la crèche des Bisounours a été formalisé dans leur DUERP. Mais il est vrai que les efforts physiques liés au portage des enfants et au positionnement « au ras du sol » sont très présents dans ces métiers et des actions de prévention peuvent améliorer facilement les conditions de travail.
5. Comment s’est passé l’accompagnement de la crèche ? Quelles ont été les différentes étapes ?
E.R. Lorsque notre candidature a été retenue, j’ai rencontré Sylvia et Julie de ST Provence qui ont refait le point sur notre Document Unique et notre projet d’aménagement. C’est à ce moment-là qu’elles nous ont suggéré d’agir en faveur du matériel de nettoyage et d’intégrer certaines choses à notre plan d’actions, comme l’optimisation des espaces de rangement. Et sans l’opportunité financière, nous n’aurions pas pu investir dans ces achats et aménagements.
J.L. : L’avantage, c’est qu’au niveau de la structure, il y avait un certain nombre de choses et de potentiels qui étaient déjà bien en place comme l’aménagement de la buanderie. Cette dynamique a permis simplement de poser les choses à travers un plan structuré de prévention et de basculer jusqu’à la mise en pratique : la rénovation des locaux, l’investissement en matériel (siège adaptés adultes) et la formation du personnel.
6. Qu’avez-vous pu mettre en place concrètement ?
E.R. : Grâce aux conseils de ST Provence, nous avons notamment investi dans l’achat d’un chariot de nettoyage professionnel qui permet de limiter les contraintes liées à l’entretien de nos locaux. Sans ST Provence, nous n’y aurions pas forcément pensé ! Nous avons aussi acheté des sièges à roulettes adaptés aux adultes que nous utilisons pour être à hauteur des enfants, et un siège d’allaitement, plus confortable, qui limite les douleurs de dos. Du côté de la buanderie, par exemple, les machines à laver ont été installées en hauteur, de façon à éviter de se baisser en les utilisant. Pour le change des enfants, nous avons aussi installé du mobilier adapté où les plus grands peuvent se mettre à hauteur des adultes grâce à des escaliers sécurisés (« escabeau de change »).
J.L. : Nous avons conseillé la crèche sur le choix de matériel de nettoyage. Les fournisseurs identifiés leur ont prêté des équipements pour que les salariés puissent les tester en conditions réelles. Cette étape est fondamentale pour que le personnel accepte le changement. Cette implication s’est révélée gagnante car, à ce jour, le matériel donne entière satisfaction auprès des salariés. La prochaine étape sera la cuisine, qui nécessite une rénovation. Ainsi, tout le personnel (éducateurs, personnel d’entretien et cuisinier) aura pu bénéficier d’améliorations.
7. Madame Ravel, comment qualifierez-vous votre lien avec ST Provence ?
E.R. : Au départ, je ne savais pas que ST Provence pouvait nous accompagner comme ça et nous apporter tous ces conseils. J’ai découvert une mine d’informations. Il y a de nombreuses ressources documentaires liées à nos métiers. Quand j’ai une question, je peux les joindre facilement et j’ai toujours une réponse adaptée à ma situation et à celle de mes salariés et je n’en avais pas conscience à ce point avant de participer au défi STOP TMS. En fait, il n’y a pas que le médecin du travail, il y a aussi toute une équipe. Je pars prochainement à la retraite mais je suis sûre que la future directrice maintiendra le lien avec ST Provence pour veiller à améliorer sans cesse les conditions de travail des salariés de la crèche. Leur bien-être et celui des enfants accueillis sont une priorité !
8. En dehors du défi Stop TMS, si une entreprise a des problématiques TMS ou autres, comment peut-elle être aidée ?
J.L. : Tout dépend des besoins et des objectifs de l’entreprise. Elle peut faire appel directement au médecin du travail qui connaît bien l’entreprise, qui a l’historique des problématiques et qui, en fonction des besoins et des objectifs de l’entreprise peut voir si cette problématique nécessite une sensibilisation ou un atelier ou une action en milieu de travail… Après il y a aussi des offres complémentaires qui permettent aujourd’hui de répondre à des besoins particuliers en termes d’accompagnement. En tous cas, ce que je retiens surtout par rapport au témoignage de Madame Ravel et de la crèche des Bisounours, c’est qu’il y a deux éléments essentiels pour une démarche de prévention réussie : c’est l’implication de la direction et la participation du personnel. Sans ces deux prérequis il est difficile de faire émerger et surtout de faire vivre une culture de prévention en entreprise.




Reportage photos réalisé le 23 avril 2025 à la Crèche Les Bisounours d’Aix-en-Provence.